ETUDIANTS AFRICAINS EN FRANCE, QUEL PARCOURS?
N.D.L.R. Jusqu’à 110 000 étudiants africains s’inscrivent chaque année dans des établissements d’enseignement supérieur français (chiffres 2005-2006 ). Ce fort contingent est aussi à relativiser avec la forte mobilité des étudiants africains à l’étranger. « Les étudiants africains sont les plus mobiles au monde », explique Pierre-Antoine Gioan, responsable géographique Afrique de Campus France. « 10 % d’entre eux partent étudier dans un pays étranger. Entre 30 % et 40 % en France, puis en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Allemagne ».
Etudiants africains en France, quel parcours? par Christelle Auguste
Etudier en France n’a rien d’un séjour touristique ou d’agrément. Les rouages, les étudiants étrangers les connaissent aussi bien que la sonnerie étourdissante de leurs réveils matin. Ils sont confrontés au quotidien aux tracasseries administratives, aux suspicions et aux soucis d’argent.
Un étudiant étranger pour dix Français
Dossiers verts pour les étrangers résidants d’un côté, dossiers blancs transmis par les consulats, de l’autre. Dernières vérifications au bureau des admissions des étudiants étrangers de l’université Paris 8 avant le départ en vacances. Patrick Saint-Léger, le responsable, reçoit quotidiennement plusieurs demandes de renseignements provenant de l’étranger. Avec un étudiant étranger pour 10 Français, la France reste la troisième destination études au monde après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Parmi ses plus grands prétendants : le Maghreb et l’Afrique noire. A Paris 8, la moyenne d’étudiants originaires de ce continent est une des plus élevée. Dans cette université de banlieue, la grisaille des murs contraste avec le métissage ambiant. Près de 3 étudiants sur 10 sont de nationalité étrangère hors Union européenne. Entre le téléphone et son PC, Patrick Saint-Léger, parcourt quelques dossiers de pré-inscription en première année qu’il a en charge de gérer. « Les demandes doublent d’une année sur l’autre », souligne ce responsable. Avec la libéralisation des frontières, au Maroc, ces deux dernières années et sa longue tradition d’accueil d’étudiants étrangers, l’université fait face à un nouvel afflux.
La loi des meilleurs
Pour une récente rentrée universitaire, rien qu’en provenance du Sénégal, le responsable du bureau des admissions de Paris 8 a reçu 101 dossiers de première inscription. Seules 33 demandes ont été acceptées. Les demandes viennent majoritairement du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali , du Maroc et de l’Algérie, pour l’Afrique francophone. Devant leur capacité d’accueil réduite, les universités n’appliquent qu’une règle : la sélection des meilleurs dossiers. D’abord les nouveaux bacheliers en France, résidants étrangers compris. Viennent ensuite, les transferts d’universités à universités et enfin les dossiers étrangers au cas par cas, au prix de nombreuses déceptions. Cette mère, qui appelle du Maroc, commence à peine à se rendre compte des difficultés qui l’attendent. Sa fille vient d’obtenir son baccalauréat dans un lycée au pays. Elle ne peut pas s’inscrire pour la rentrée de cette année à Paris 8 ni dans une autre université française. « Les inscriptions sont closes malheureusement », lui répond-t-on au bureau des admissions. Il ne lui reste plus qu’ à retirer un dossier au service culturel de l’ambassade de France, à Rabat, pour la rentrée 2003, procédure normale pour les étrangers non résidant en France. Beaucoup la contournent pourtant, parce que seule une infime partie des demandes pourra être validée. Saturées, les ambassades délivrent donc au compte-goutte les visas mention : « étudiant » pour la France.
Vannes fermées pour la France
Constituer un dossier complet est la première difficulté du prétendant aux études en France. En plus des traditionnelles pièces, photocopies certifiées conformes des diplômes, les étudiants étrangers doivent obtenir, avant leur départ une foule de documents complexes : des justificatifs de ressources, une pré-inscription par l’université française, un visa « long séjour étudiant » émis provisoirement par l’ambassade du pays et enfin un certificat médical, signé du médecin de la coopération française du pays de départ. Ce dernier document demandé est des plus controversés. Si l’on en croit les dires des étudiants africains, il n’aurait pas pour finalité de les informer de leur état de santé, ni de vérifier qu’ils sont à jour concernant les vaccinations obligatoires en France. Certains étudiants sont convaincus que c’est une manière détournée de s’assurer qu’ils ne sont pas atteints de maladies graves pour leur refuser ensuite leurs visas.
La France « des désillusions »
Alikaou, son bac en poche obtenu au Mali, s’est inscrit en première année de Maths et Analyses numériques à l’Institut Galilée à Paris. Il déclare : « Les gens au pays ont une autre idée de la vie ici, ils pensent que tout est facile, mais moi, je pense que c’est le contraire. Quand tu n’as pas la nationalité française, c’est difficile ». Désirée, elle, vient de la République démocratique du Congo. Elle est une des rares étudiantes étrangères, non boursières du gouvernement français, à avoir franchi ce premier cap sans grande difficulté. Elle a une sœur à Paris qui l’héberge et subvient à ses besoins avec l’aide de son père. A 24 ans, une maîtrise de Droit en poche, elle a quitté son pays pour s’inscrire à la Sorbonne. Désirée voulait préparer l’examen d’accès à l’école des avocats. Il ne lui restait plus qu’à se présenter au secrétariat de l’université, une fois sur place pour le faire. A priori, il ne s’agissait que d’une petite formalité pour confirmer et valider son choix d’ inscription. Mais l’université lui a refusé cette inscription et préconisé d’entreprendre un DEA d’Anthropologie juridique, une science qui analyse les institutions et les principes de Droit des pays. Un diplôme d’études approfondies de troisième cycle universitaire, qui ne lui permettrait cependant pas d’accéder directement à l’école des avocats. Pour Désirée, la position du secrétariat de la Sorbonne, une des plus vieilles et des plus cotées des universités françaises, était claire : soit elle acceptait son inscription en DEA, soit elle refusait mais dans ce cas, elle n’obtiendrait pas d’autre inscription dans cette université. « Quand cette dame m’a reçue, elle a voulu d’office me réinscrire en maîtrise de Droit », explique pour conclure Désirée, alors qu’elle était déjà en possession de ce diplôme.
Catalogués africains
Avec les suspicions de faux diplômes qui pèsent sur certains pays d’Afrique, instables politiquement, tel que la République démocratique du Congo, le secrétariat lui a donc vivement recommandé de s’inscrire d’abord pour obtenir un diplôme français. Pour certains pays, les tampons de certifications des consulats font foi. Pour d’autres, rien ne permet, selon le responsable d’un bureau d’admissions universitaires, de s’assurer que « les employés autochtones ne monnayent pas les diplômes, ce dont on les accuse parfois.» « J’ai été sous-estimée, rabaissée, parce que je viens d’Afrique », confie Désirée. Elle l’affirme aujourd’hui : « En France, avec un diplôme africain, on n’est pas forcément bien vu. Il faut savoir rester ferme sur ses exigences et, au mieux, quitter les facultés du pays avec un bon dossier universitaire. » Les diplômes obtenus avec mention ne sont pas plus crédibles pour autant aux yeux de l’administration française. Un étudiant qui prétend, lorsqu’il remplit son dossier de pré-inscription, avoir une mention très bien et qui se présente ensuite avec une mention passable, a de quoi paraître suspect aux yeux du personnel des bureaux d’admissions. Il a l’œil. « On a un peu repéré, avec le temps, les ressortissants des pays qui fournissent vraiment des faux comme Haïti, la République démocratique du Congo, un peu mais beaucoup moins, le Sénégal et aussi l’Afrique anglophone. Oui, il y a des préjugés, parfois justifiés », déclare franchement un responsable administratif. Au secrétariat, on avoue ne pas être experts mais on fait attention : « Il arrive que l’on s’attache à des petits détails comme les dates, les chiffres ». Les agents vérifient, par exemple, que l’âge de l’étudiant et l’année d’obtention du diplôme correspondent au parcours. Les diplômes sont ainsi triés sur le volet, vérifiés, lors de la présentation des originaux par l’étudiant, ce qui semble parfaitement naturel. Malheureusement, une suspicion presque systématique paraît mal vécue par la majorité des étudiants, qui en témoignent.
« Des préjugés qui collent à la peau »
Adonis est boursier du gouvernement français.Il est arrivé du Cameroun, l’été dernier pour préparer le fameux DEA en Anthropologie juridique, une des rares spécialités qui aborde des réalités du continent africain. Il n’a pas eu à souffrir personnellement « des préjugés qui collent à la peau des étudiants africains » mais il les connaît bien, dit-il. Deux des plus tenaces ressortent des discussions échangées, à l’occasion d’un cours. Il s’agit des préjugés d’incompétence ou de corruption. « Convaincre à la fac, mais aussi au quotidien, c’est ce que nous nous devons de faire, nous autres étudiants africains, et plus que les autres ». Convaincre qu’il ne sont, ni des imposteurs, ni des parvenus. « Ces pratiques, si elles existent, ne peuvent être étendues à tous les Africains. Je n’ai jamais entendu parler d’instituts qui fourniraient des diplômes à la pelle, moyennant finance. Oui, il y a bien eu en Afrique, quelques problèmes, de fraudes informatiques dans le cadre des examens. Il y a bien eu quelques faveurs accordées ci et là, quelques rumeurs de « notes sexuellement transmissibles », comme on dit chez moi au Cameroun, et, malheureusement, il faut l’avouer, nos universités sont mal gérées, mais tout ceci n’est pas propre à l’Afrique et il s’agit de quelques faits isolés, exhibés comme la norme en France et en Europe. On dirait, ajoute t-il, qu’ une seule dent gâtée a pourri toute la bouche. »
Pas de droit à l’erreur
Malgré tout, l’administration en est convaincue, ses responsables le disent tout simplement : tous les étudiants ne sont pas de mauvaise foi. Les universités et les IUT français ont accueilli l’an dernier 140 849 étudiants étrangers. Et « a priori, ils sont très motivés, car ces étudiants ont une obligation de réussite ». Elle ne leur est pas imposée par l’université mais par les contrôles des services de préfecture…à l’affût des faux étudiants qui prétexteraient d’étudier en France alors qu’ils n’obtiennent que peu de résultats. Il existe quelques cas isolés. Patrick Saint-Léger, responsable des admissions à Paris 8 cite l’exemple d’un étudiant qui a obtenu très peu de résultats aux examens et que l’on soupçonne de travailler à temps complet, sans autorisation. Les vérifications ? Elles restent très informelles. Le conseil de l’université ne se réunit pas pour émettre un avis sur la réalité des études ou l’évolution des résultats de l’étudiant qui prétend à un renouvellement de son titre de séjour. « Nous recevons un appel de temps en temps des services de la préfecture. Ils veulent s’assurer que l’étudiant fréquente régulièrement l’université. Ils veulent aussi avoir une idée des notes obtenues ». La décision de renouvellement de permis de séjour n’ appartient pas aux universités. » Nous n’avons aucun regard là-dessus. Un changement d’orientation, un manque de cohérence dans les études, peut suffire à motiver un refus de la préfecture ». « On attend de nous autres étudiants étrangers, les mêmes résultats que ceux attendus des étudiants français. La différence c’est que nous ne pouvons pas nous permettre de rater nos études », conclut un étudiant.
Métro, boulot, Mac Do…et les études
Quand la solidarité africaine ne joue pas assez. Quand, sans le sou, manger, boire ou dormir devient une obsession immédiate plus grande que d’étudier. Quand multiplier les petits boulots au noir, même mal payés, devient la seule alternative, il est bien difficile de se consacrer pleinement à ses études. François, que ses copains de fac ont surnommé affectueusement « l’abbé Pierre », devient mélancolique. Il se souvient de ses premières années. « On se retrouvait parfois à quatre ou cinq à se partager un petit coin de ma chambre universitaire et un plat de pâtes ou de riz. » Une situation plus fréquente qu’il n’y paraît et pas seulement pour les étudiants arrivés en dehors des circuits de la procédure normale d’inscription. La menace pèse sur tout étudiant étranger, non boursier, qui n’obtient pas le renouvellement de son visa d’une année sur l’autre. Sans titre, plus de carte d’étudiant et sans carte d’étudiant, plus de droits à la sécurité sociale, plus de moyens non plus de bénéficier de l’aide sociale étudiante. Un engrenage dont ne sont pas victimes les étrangers citoyens de l’Union européenne. S’inscrire dans une université française, quand on est étranger n’est pas aussi simple que quand on est français ou européen. Décrocher une bourse, ne l’est pas moins. « On vérifie ton bagage intellectuel, tes motivations, en plus de tes diplômes ». Par ailleurs, on constate que la grande majorité des étudiants étrangers ne sont pas boursiers et doivent travailler à côté pour financer leurs études sans dépasser la limite légale de 20h par semaine, ce qui les contraint en plus à accepter du travail clandestin, très mal rémunéré. Parfois même, on refuse de les payer après qu’il l’ait effectué.
« Il y a beaucoup d’hypocrisie autour de nous »
» Pour les Américains, c’est la compétence qui compte d’abord, explique un autre étudiant, alors qu’ici il y a une ambiguïté au niveau de la politique d’accueil des étudiants africains « . Une ambiguïté justifiée, selon lui, par une vision paternaliste du continent. Difficile en effet d’obtenir de la part de la préfecture une explication sur les motifs de refus de visas « étudiant », de recueillir une quelconque estimation sur le nombre de demandes enregistrées ou le nombre de titres octroyés depuis le début de l’année 2002, même sur les années précédentes. L’engagement de la France pour promouvoir la Francophonie devrait pourtant aisément se traduire dans les chiffres, par une facilité d’accès aux étudiants étrangers francophones sur le sol français. Ces informations sont tenues pour confidentielles, déclare -t-on, tant au ministère des Affaires étrangères, qu’à celui de l’Intérieur. Selon un rapport interministériel sur la question de l’Amélioration de l’accueil des étudiants étrangers (Elie cohen), le nombre de visas étudiants accordé aurait, doublé en trois ans. Toutefois, aucune possibilité de comparer ces chiffres avec d’autres documents établis par les administrations concernées n’est offerte aux citoyens. Or dans l’opinion, on ne fait pas de distinction entre un étranger qui immigre le temps d’étudier et un étranger qui immigre pour des raisons sociales, politiques ou économiques, regrette un autre universitaire africain. Et pour cause, il n’y aucune transparence dans la gestion de ces différents dossiers d’immigration et aucun chiffre ne permet de lever des ambiguïtés. Pour certains, étudier en France serait un prétexte. Professeurs et personnels d’encadrement n’y croient pas vraiment . » Ils en veulent. Ces gens ne viennent pas se promener « , atteste Franck Arpin-Gonnet, directeur de l’unité juridique de Paris 8. Des étudiants étrangers, il en côtoie d’une dizaine de nationalités différentes en faculté de Droit, une des disciplines les plus prisées par ces étudiants, avec l’économie.
La préfecture sur le qui-vive
Désormais, à Paris 8, on ne transige plus avec la procédure. Si étudier en France n’a jamais été une démarche aisée, elle l’est encore moins aujourd’hui. Les universités ont l’obligation de contrôler les conditions d’entrée et de séjour des étudiants étrangers sur le territoire français, avant toute inscription. Ceux qui voudraient se risquer à l’aventure pour la France en dehors de la voie traditionnelle n’obtiendront pas d’inscription des universités françaises. Il y a deux ans encore, Paris 8, comme d’autres facultés, acceptait encore d’inscrire des étudiants étrangers arrivés en France avec un simple visa touristique, faute d’avoir pu obtenir un visa long séjour « étudiant » dans leur pays. « On a accepté des dérogations à tort et à travers en 1999. L’année noire pour l’université ». Le président de Paris 8 de l’époque a accordé plus de 500 dérogations à la procédure, au bénéfice d’étudiants étrangers ». La politique d’accueil favorable mise en place par certaines universités a eu pour fâcheuse conséquence de créer des étudiants sans papiers et d’attirer les foudres des ministères concernés. A force de bras de fers et de mobilisations, 50 % des sans papiers de Paris 8 ont depuis été régularisés par les préfectures, mais beaucoup d’étudiants sans papiers risquent encore l’expulsion.
L’obsession du retour
« Quand est-ce que tu vas finir tes études ? Est-ce que tu vas rester ici ? Tu peux être ministre si tu retournes chez toi ! ». François vit depuis 3 ans dans une petite studette de 18 m2. Bel immeuble dans le XVIIème arrondissement, rénové, de l’extérieur. A l’intérieur, contraste saisissant : des murs abîmés, l’humidité partout, les toilettes à l’ancienne, au bout du couloir et une douchette, à un pas du coin cuisine. Prix du loyer : 382 euros par mois, charges comprises. C’est dans cet espace confiné que François a préparé une thèse de doctorat sur la question du retour des étudiants sénégalais. Un thème qui lui tenait à cœur, inspiré de la curiosité qu’il a, lui même, suscité pendant son séjour de 12 années passées à fréquenter les universités de Montpellier, puis de Paris. Arrivé à la fin de ses études, il se réjouit de son départ prochain pour les Etats-Unis ou le Canada. Soulagé de ne plus avoir à répondre à ces « préoccupations à connotation xénophobe. J’ai envie de mettre à profit mes études. Mon projet n’est pas de rester en France ». Ses études, c’est en travaillant durement chaque été qu’il les a payées. « J’ai castré les maïs à Mont de Marsan dans les Landes, j’ai fait les fraises, les pommes, les melons dans l’Aviron. J’ai fait presque tous les métiers du monde. » Les recherches scientifiques de ce futur docteur en sociologie sont parlantes : « Il y a bien une réelle volonté de retour au pays des Sénégalais et encore plus chez les femmes. Beaucoup d’étudiants disent qu’ils ne peuvent pas vivre en France » , écrit-il.
Mais a-t-on vraiment le choix entre repartir au pays ou rester ? « Certains l’ont mais ils sont minoritaires, poursuit-il. Je pense à ceux qui ont fait des études en informatique, des études scientifiques ou techniques et dans d’autres domaines où l’on manque en France de main d’œuvre. Ceux-là peuvent hésiter. Tout dépendra de l’offre qui leur sera faite mais beaucoup repartent, pas toujours immédiatement. Ils le font souvent par convictions, pour des raisons sociales, comme le mariage par exemple. » Si de nombreux Africains quittent chaque année leurs pays pour la France, c’est parce que l’offre de leurs universités est restreinte. C’est une de leurs plus grandes faiblesses. Elles disposent de peu d’équipement, de peu de moyens financiers et n’ont pas assez de professeurs.
Des cerveaux convoités
Selon le rapport sur l’amélioration de l’accueil des étudiants étrangers en France, les étudiants étrangers, africains compris, arrivent en général en France à un stade très avancé de leur cursus. Ils viennent pour se perfectionner en effectuant un troisième cycle d’étude, un doctorat. Plus âgés que la moyenne française, beaucoup ont laissé femmes et enfants au pays, pour étudier. Quelles sont leurs ambitions ? Exercer des métiers de haute technologie et des métiers artistiques ou encore réaliser des carrières internationales. L’étroitesse et les conditions actuelles du marché du travail en Afrique, notamment, ne laissent pas beaucoup de débouchés immédiats. Il n’en demeure pas moins que ces étudiants constituent l’avenir des pays d’Afrique. Il y a de fortes chances pour que certains d’entre eux deviennent les cadres de demain, et donc des décideurs potentiels pour leurs pays respectifs. Ceci les place donc aujourd’hui au cœur d’une véritable stratégie commerciale à long terme, notamment aux Etats Unis, qui leur proposent des bourses à caractère social et un accès facilité aux études universitaires. La France a pris du retard dans cette course aux cerveaux, où les Etats-Unis excellent. Elle, qui s’est ouverte aux étudiants des anciennes colonies d’Afrique, au lendemain des indépendances, a perdu son attrait dans les années 90. Conscientes de l’attirance des étudiants étrangers pour d’autres destinations anglophones, les universités françaises tentent, depuis cinq à six ans, de regagner la faveur de l’étranger.
« Déclaration d’action internationale par université », création d’un conseil national, charte, simplification de la procédure d’autorisation de travail… Toutes ces mesures, préconisées par le rapport Cohen*, témoignent des efforts que doit fournir la France pour améliorer l’accueil et la vie quotidienne de ses étudiants étrangers. A Paris 8, professeurs et directeurs de départements affichent le plus grand des scepticismes : « Dans les ministères, on parle beaucoup de l’accueil des étudiants étrangers mais au-delà des mots, rien de concret n’est fait. Ils ne nous en donnent pas les moyens. » « Le froid, l’indifférence des gens d’ici », souvent évoqués dans les témoignages recueillis à l’occasion de cette enquête, semblent s’ajouter aux difficultés des étudiants étrangers. La nostalgie du pays accompagne chacun dans un parcours trop souvent déshumanisant.