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Classes surpeuplées, programmes vieillots et locaux décrépis: en Egypte, les familles s’en remettent au privé, devenu un véritable système d’éducation parallèle, pour pallier les insuffisances de l’école publique, parent pauvre des politiques gouvernementales et incapable de faire face à l’explosion démographique.

Sur les bancs des écoles du plus peuplé des pays arabes, il n’est pas rare de voir s’entasser 90 élèves dans une classe prévue pour 40 enfants.

« Nos conditions de travail sont très mauvaises. J’ai tellement d’élèves dans ma classe que je ne peux pas apporter à chacun l’attention qu’il requiert », ne peut que déplorer Hanna Ahmed, professeur de mathématiques dans un collège public.

Et ces conditions pèsent dans les classements internationaux. En septembre, l’Egypte a fini dernière du classement en termes d’éducation primaire, selon le Rapport global sur la compétitivité du Forum économique mondial. En queue de peloton, derrière 147 autre pays, le gouvernement a été forcé de reconnaître des défaillances.

Le ministre de l’Education Mahmoud Aboul Nasr admet ainsi qu’il existe « un mécontentement général à l’égard du système éducatif », mais, assure-t-il, « un plan stratégique a été élaboré pour améliorer la qualité de l’enseignement ». Il préconise la mise en place d’un système public où coexisteraient des écoles gratuites et d’autres à bas coût mais « avec plus d’équipements ».

Dans l’Egypte de Gamal Abdel Nasser, l’éducation gratuite fut l’un des piliers des grandes réformes socialistes des années 50 et 60, faisant rêver d’ascension sociale même ceux qui ne pouvaient payer d’onéreuses études à leurs enfants.

Mais au fil des décennies, l’éducation a été rattrapée par des maux rampant en Egypte: la bureaucratie et la corruption. Depuis, le système est paralysé par ses décisions centralisées, ses programmes vieillots et moralisateurs et son personnel sous-payé et sous-diplômé.

L’apprentissage par coeur est la règle, immuable, au détriment de la réflexion, et les résultats aux examens sont plus le fruit de quotas imposés par le gouvernement que d’une réelle réussite scolaire, selon les enseignants.

« Le système éducatif s’est tellement dégradé que je suis obligée de payer à mes enfants des cours particuliers pour relever leur niveau », explique Hanane Atta, dont les enfants sont entrés à l’école il y a dix ans. A l’époque, dit-elle, « le niveau était bien meilleur ».

Pour toutes ces raisons, durant les trois décennies de présidence de Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire en 2011, les écoles privées ou internationales se sont multipliées, creusant un peu plus le fossé entre les pauvres et les plus nantis dans le domaine de l’éducation.

Mais le problème est bien plus profond que le manque de moyens, notent les experts. « L’éducation est abordée du point de vue de la sécurité », explique Kamal Mughith, car « l’Etat ne veut pas que les enfants s’émancipent de la coupe des dirigeants ».

De fait, au cours du cursus d’un élève, ne sont encouragés ni « le jugement critique, ni l’analyse, ni la réflexion », poursuit ce spécialiste de l’éducation.

« Le modèle pédagogique est réduit au minimum: un professeur, un élève, un livre », constate-t-il, alors qu’à l’étranger se multiplient les méthodes interactives encourageant la créativité de l’élève.

Chaque année, l’Etat égyptien dépense 2. 000 livres égyptiennes (210 euros) pour chacun des 16 millions d’élèves –primaire et secondaire confondus–, dont 85% sont dédiés au salaire des enseignants.

Deux mille livres égyptiennes, c’est exactement le montant que Mme Atta dépense chaque mois pour les cours particuliers de ses enfants. « C’est un gros morceau de notre budget mais je n’ai pas d’autre choix si je veux que mes enfants apprennent des choses », dit-elle.

Et hors de la capitale, la situation est pire, affirme Hicham Mohammed, qui enseigne à Damiette, dans le nord. « Nous sommes au milieu de l’année scolaire et nous n’avons toujours pas reçu le matériel. Comment sommes-nous censés travailler ? », lance-t-il.

Et pour ces enseignants sous-payés et qui souffrent du manque d’équipement, la tentation est forte d’arrondir ses fins de mois avec des cours particuliers.

« Comment pourrait-on demander à un instituteur de faire preuve de professionnalisme quand on le paye moins de 100 dollars par mois ? Ca n’est même pas suffisant pour vivre », estime M. Mughith.

Pour l’expert, « la situation ne s’améliorera que lorsqu’il y aura une volonté politique de l’améliorer. Le reste –les ressources humaines, les salaires et les équipements– suivra naturellement ».

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